[La grille horaire du RER A #2] Les grandes étapes d’élaboration

Je vous propose une série de billets pour évoquer la manière dont sont pensés, élaborés et ajustés les horaires de la ligne A du RER.

Comme nous l’avons défini dans le précédent billet, élaborer une grille horaire, c’est redéfinir la répartition des trains entre les branches (les rafales), des intervalles selon les créneaux horaires.

Faire coïncider le nombre de clients quotidiens, avec un nombre suffisant de  trains pour les transporter, sur un créneau donné, relève d’un processus d’élaboration complexe et long, qui peut être difficile à comprendre lorsque ce n’est pas notre métier !

Dans mon premier billet, je vous ai parlé de Gilles, agent RATP, et Jean-Luc, agent SNCF, qui travaillent tous deux en tant qu’horairistes*, au sein de la direction unifiée de l’exploitation de  la ligne A du RER.

Je leur ai posé quelques questions pour mieux vous expliquer les grandes étapes de l’élaboration d’une grille horaires. Entretien.

Sophie : Une grille horaires, c’est valable combien de temps? 

Gilles : La précédente grille horaire a été appliquée pendant plus de 20 ans et n’avait connu que des adaptations mineures avec l’augmentation de la desserte de Cergy en février 2008, puis une réduction des circulations en heures creuses en 2013 pour une meilleure ponctualité le soir (objectif atteint avec 2min de retard en moins). Cependant compte tenu des rapides évolutions démographiques et infrastructurelles autour de la ligne ces dernières années, ces délais se réduisent. La refonte, c’était seulement l’année dernière, mais on retravaille déjà sur une grille légèrement adaptée qui prendra en compte la 4ème voie de Cergy le Haut et les nouvelles positions de garage des trains de Marne-la-Vallée-Chessy, par exemple.

On travaille toute l’année dans le but d’améliorer la qualité de la grille horaires, ou de modifier certaines choses pour répondre aux attentes des voyageurs. Il s’agit d’ajustements mineurs comme par exemple déplacer la circulation d’un train sans voyageur de quelques minutes pour ne pas gêner ceux qui circulent avec voyageurs. Si les évolutions sont plus importantes, si on souhaite par exemple créer des arrêts supplémentaires, ajouter un train, on demande un avenant au contrat de base de 5 ans avec IDFM. Notre objectif est toujours de mieux répondre aux besoins des clients tout en conservant la meilleure robustesse de l’offre de transport.

Jean-Luc : Il peut y avoir plein de choses qui déclenchent une refonte, comme de grands événements démographiques, par exemple le développement d’un quartier d’affaires qui va générer un besoin de desserte supplémentaire.

 

S : Pouvez-vous nous en dire plus sur le mécanisme global d’élaboration d’une grille ?

G : la première étape est de prendre connaissance de la demande transmise par l’autorité organisatrice des transports en Ile-de-France, Ile-de France Mobilités. C’est elle qui formule des consignes en termes de besoin, de capacités, ou de renforcement à une tranche horaire précises selon l’état des lieux des flux de voyageurs et des moyens dont nous disposons (trains et capacité des infrastructures).

On commence par mener des études de faisabilité sur la ligne qui vont mettre en évidence ce qui est réalisable dans l’immédiat et ce qui nécessiterait des aménagements des infrastructures. Ensuite, on sera apte à proposer deux à trois solutions, donc des grilles, pour répondre à leur demande selon les moyens dont nous disposons.

Jean-Luc : Une grille c’est vivant ! Elle évolue sans cesse. On l’élabore de façon à ce que, dans l’idéal, quand il y a des retards, ils puissent se résorber facilement, sans supprimer ou limiter de trains.

Pour ça on anticipe. On prend en compte les éventuels retards sur la ligne. Au lieu d’avoir 10 minutes de temps de retournement (c’est le minimum technique) on en met 15, ce qui nous permettra de faire repartir à l’heure, un train qui a 5 minutes de retard. C’est ce qu’on appelle la robustesse dont parlait Gilles tout à l’heure [voir supra]. Dans une grille, il y a les circulations de trains avec les clients, mais aussi sans : pour sortir les trains des zones de garages, pour les amener aux ateliers de maintenance, etc.

Pour établir une grille, on utilise des logiciels qui vérifient si les infrastructures permettent les circulations des trains telles qu’on les souhaite.

Une fois la grille élaborée, on peut aussi utiliser des logiciels qui permettent de simuler les retards et d’observer leur impact sur la circulation globale des trains sur la ligne.

Ensuite, on partage les solutions possibles avec notre autorité organisatrice. Quand les évolutions sont vraiment structurantes, on en parle aussi avec les élus et les associations concernés.

Une fois la grille validée, on procède à l’habillage des trains, c’est-à-dire à l’attribution d’un conducteur sur chaque circulation de train (avec ou sans voyageur), sur chaque manœuvre de train. Là encore, c’est une étape complexe… En effet, les conducteurs ne peuvent pas rouler non-stop : il faut prendre en compte le code du travail,  les temps de conduite réglementaires et s’assurer de prévoir des changements de conducteur dans les meilleures conditions possibles, selon les infrastructures dont nous disposons.

Une fois que tout cela est terminé, on obtient enfin une nouvelle grille horaires, mais toutes ces étapes résumées simplement dans ce billets prennent énormément de temps, car il y a beaucoup d’ajustements et d’aller-retours entre les différents acteurs. Ainsi, la refonte de 2018 a commencé en 2015 et dès le printemps 2016 les premiers résultats d’étude ont été partagés autour de 17 groupes de travail. Pendant plus d’un an, 60 réunions bilatérales et des rencontres individuelles avec les élus concernés ont été réalisées pour remettre à plat les besoins et les contraintes de la ligne, et créer cette nouvelle offre, validée au conseil d’administration du STIF (Île-de-France Mobilités), le 22 mars 2017 !

S : Merci Gilles et Jean-Luc pour ce témoignage. Vous l’aurez donc compris la grille horaire c’est un rapprochement de toutes les contraintes : horaires, structurelles, matérielles, humaines, et bien sûr économiques politiques et sociales, pour en sortir l’offre qui se rapproche au mieux de l’idéal. Dans un prochain billet, nous parlerons d’adaptation, en période de travaux notamment.

D’ici là si vous avez des questions, n’hésitez pas à nous les poser en commentaires.

 

*Les horairistes sont les agents qui élaborent les horaires d’une ligne de transport.

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commentaires 5
  1. jachie dit :

    pouvez vous me dire s’il y a des navettes de Vincennes RER à Noisy le Grand RER A

  2. Merci pour ce moment dit :

    Bonjour,
    Il n’empêche que l’on a vraiment l’impression que certaines lignes sont plus favorisées que d’autres. A titre d’exemple, aujourd’hui, à Auber entre 12h30 et 13h00 avec l’espoir de rentrer rapidement sur Cergy. Temps d’attente : 22 mn. Où sont passés les 12 mn dont on nous a parlé ?
    En ces temps où l’on nous culpabilise dès que l’on prend sa voiture, où l’on nous incite à emprunter les transports en commun, quand on voit le temps que l’on met pour rentrer chez soi, et les conditions de transport, je pense que la voiture a encore de très longues années devant elle…
    Bien à vous.

  3. Paulo dit :

    Bonjour Sophie,
    Je voudrais savoir pourquoi vous faites 2 grilles horaires différents pour l’été ? Il y a plus de monde surtout pour ceux qui vont au Parc Disneyland où il n’y a pas de places assises à Paris .Cela fait aussi perdre l’habitude des usagers de la ligne.

    • Sophie dit :

      Bonjour,

      La fréquentation n’est pas la même tout au long de l’été. Elle diminue un peu du 13 au 28 juillet et du 26 août au 1er septembre et davantage du 29 juillet au 25 août. Ces données correspondent aux études sur la fréquentation de la ligne, qui sont mises à jour régulièrement.

      Bien à vous

      Sophie

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